Jardin naturel

« (…) Voilà pourquoi je préfère aux jardins arrangés et soignés ceux où le sol, riche par lui-même de plantes locales, permet le complet abandon de certaines parties, et je classerais volontiers les végétaux en deux camps, ceux que l’homme altère et transforme pour son usage, et ceux qui viennent spontanément. Rameaux, fleurs, fruits ou légumes, cueillez tant que vous voudrez les premiers. Vous en semez, vous en plantez, ils vous appartiennent : vous suivez l’équilibre naturel, vous créez et détruisez ; mais n’abîmez pas inutilement les secondes. Elles sont bien plus délicates, plus précieuses pour la science et pour l’art, ces « mauvaises herbes », comme les appellent les laboureurs et les jardiniers. Elles sont vraies, elles sont des types, des êtres complets. Elles nous parlent notre langue, qui ne se compose pas de mots hybrides et vagues. (…) Pénétrons donc avec respect dans les sanctuaires où la montagne et la forêt cachent et protègent le jardin naturel. »

George Sand, Nouvelles lettres d’un voyageur (1877)